Je n'irai plus au job

Je n'irai plus au taf, me voici enfin à la retraite ! Le vendredi 16 mai fut mon dernier jour de travail. J'ai passé 46 ans de ma vie à bosser, dix années aux Déménagements Heppner puis 36 ans à la Sécu. J'ai donné, j'ai cotisé, place aux jeunes ! La dernière semaine fut la plus étrange et quand je me levais le matin, Thaly me disait "plus que trois jours" puis "plus que deux jours", etc... Curieusement, alors que je n'attendais que ça depuis des mois, je n'arrivais pas à me réjouir pleinement et je serai bien en peine d'expliquer ce que je ressentais alors. Le matin du dernier jour, je fus content. Me restait à passer à la boulangerie chercher des viennoiseries auxquelles s'ajoutaient les deux excellents gâteaux que Carole (toujours aussi chou) avait eu la gentillesse de faire pour l'occasion. Et en marchant vers le boulot, je redoutais que ces gâteaux, posés l'un sur l'autre, ne soient écrasés dans le sac à provision que je trimbalais. Mais une fois la porte du bureau ouverte en riant car les collègues y avaient scotché un panneau disant "vive la retraite", la folie et la décontraction ont totalement pris le dessus. Mes chers collègues s'étaient amusés à décorer mon bureau, y vidant leurs troueuses pour avoir des confettis, y posant des trombones, maints papiers, des boules de Noël, que sais-je encore ? L'écran de l'ordi était enrubanné comme pour mieux maintenir deux verres posés à même l'écran. Fou-rire général. "Ah les salauds !" me suis-je exclamé. Josiane, Alice et autres Anne riaient de bon coeur. A bien y réfléchir, on passe une bonne partie de notre vie avec les collègues. Etait-ce donc pour ça que je n'étais pas arrivé, dans la semaine, à pleinement apprécier mon futur départ ? Je m'étais tant réjoui, tant dit que j'allais enfin pouvoir faire grasse mat... Mais ça fait drôle quand même.

Les collègues s'étaient cotisés pour m'offrir des bons d'achat Kadéo, l'intégrale en dvd du concert de Woodstock et un tee-shirt. J'ai vécu cet instant là comme si j'étais sur un nuage, ne réalisant pas vraiment ce qui m'arrivait mais ces touchantes attentions m'ont profondément ému. Mais faut que j'évoque ce tee-shirt avec un singe écoutant de la musique au casque ! Fallait que je le mette, j'avais des consignes notées sur papier mais j'ai rétorqué : "hey, l'agent comptable n'est pas encore passé". L'agent comptable, c'est le grand manitou, le supérieur des supérieurs. Et voila t'y pas que la porte s'ouvre et qu'il apparaît. Loin de se démonter, les collègues ont insisté pour que j'enfile le tee-shirt et j'ai obéi, me retrouvant avec un faciès de singe sur le torse pour écouter le speech de l'agent comptable en costard-cravate. 

Une page s'est tournée. Oui, je n'irai plus au job et je suis bien content.  C'est dimanche soir, après le film, que j'ai vraiment réalisé, disant à ma belle : "pas besoin de me lever demain, c'est trop top !" Une nouvelle vie a commencé et je savoure. Je sais aussi que je ne m'ennuyerai pas. Je vais regarderer le dvd de Woodstock, suivre la Coupe du Monde de foot sans contraintes, me resservir du logiciel destiné à transférer les chansons de mes disques vinyle sur l'ordinateur, mettre en dvd les films de famille (les belles fiestas, les virées, la naissance de nos chatounets, Zizou, etc...) passer plus de temps avec mon p'tit Yoyo adoré et être constamment auprès de Thaly, ma douce petite femme que j'aime à la folie.