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Le journal de Jipé
26 mars 2011

Les myrtilles

Aux alentours de la mi-juillet, on s'en allait vers les hauts prés. Là haut, non loin des pâturages balayés par une douce brise, on cueillait les brimbelles. C'est ainsi qu'à Belmont, on appelait les myrtilles, ces baies si bonnes, si belles, si bleues. Parfois ma maman se servait d'un peigne (un ustensile en bois avec une poignée et des dents) pour cueillir plus vite ces délicieux fruits. Elle avait le coup de main, elle cueillait vite. Moi je m'asseyais non loin d'elle mais je faisais autrement : une myrtille posée dans le seau, deux myrtilles dans la bouche. Parfois ma mère sifflait. Qu'est-ce qu'elle savait bien siffler ! De temps en temps, elle s'arrêtait, me demandait : "ça va ?" Je répondais oui. 

0myrtille2

"Tu cueilles ?" demandait-elle ensuite. Je ne faisais que ça, j'avais le palais violet. Et tout en testant la saveur de ces bons fruits, j'observais la nature autour de moi. Que c'était beau ! J'aimais ce coin proche de Belmont, j'aimais Belmont, ce charmant petit village perdu dans les collines sous un ciel d'un bleu d'une incroyable pureté. Au-dessus de nous, plus haut, il y avait une forêt de sapins. Face à nous le pâturage avec cette fontaine vétuste mais résistante où les vaches venaient s'abreuver. Ce décor à couleur verte dominante était enchanteur avec des genêts, quelques arbres,  quelques rochers éparpillés, un peu de bruyère de ci de là.

anciens_p_turages

Parfois j'entendais comme un bruit étouffé d'hélicoptère. Un bourdon ! Au s' cours ! D'une main agile et déterminée, je tentais de le chasser mais ma mère me disait de ne pas faire ça, que ça allait l'affoler. C'était plutôt moi qui étais affolé... J'ai toujours eu du mal à comprendre qu'on ne doive pas bouger quand un machin pareil, gros, velu, perturbateur et inquiétant s'en vient bourdonner autour de nous. Le bourdon finissait par aller se poser plus loin, sur le rameau d'un myrtillier voisin ou sur un genêt. Je continuais ma cueillette sans changer ma tactique : une myrtille posée, deux myrtilles mangées... non sans surveiller du coin de l'oeil le bourdon. Des fois qu'il revienne !

0myrtille 

Ce qui est déprimant avec les myrtilles, c'est que le seau ne se remplit pas vite. Rien que pour recouvrir le fond, c'est un travail titanesque. Alors quand j'étais fatigué de ne pas voir le niveau monter assez vite, je disais : "Maman, je veux rentrer". Elle me disait : "on y va bientôt, j'ai presque fini". Enfant, ce bientôt  m'a longuement perturbé. Ca veut dire quoi "bientôt" en minutes ? Personne ne put jamais me le dire. Parfois, bientôt me paraissait longuet, parfois assez court.

0jip_  Hauts_plateaux 

Enfin je pouvais transvaser ma collecte dans le seau de ma mère. Elle avait cueilli vingt-huit fois plus de myrtilles que moi. On retournait alors au village et tout en marchant, Maman me demandait : "comment tu les trouves les myrtilles ? Elles sont bonnes, hein, cette année." Je confirmais par un "oh oui !" enthousiaste. Pointant malicieusement ses dards chauds sur la contrée, le soleil commençait à cogner sérieusement. J'étais out. Un p'tit dodo en rentrant et à mon réveil, il y aurait une bonne tarte aux myrtilles faite par Mémé, ma chère grand-mère adorée. Histoire d'avoir la langue encore plus bleue.

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