Mais derrière les sourires...
Lorsque nous sommes arrivés chez ma maman en ce jeudi 8 juin, on lui a tout d'abord souhaité un bon anniversaire. Voici qu'elle a 83 ans. Thaly avait proposé de préparer le repas et de tout emmener chez elle. On s'occuperait de tout, on ferait la vaisselle avant de partir. Ma mère fut enthousiasmée par l'idée, elle qui peina, à la Fête des Mères, à monter l'escalier menant à notre appartement. Ce n'est pas qu'elle ne veut plus bouger, c'est que le moindre effort la fatigue. Thaly avait donc fait un rôti de porc que l'on ramena avec diverses salades, du Rosé et des parts de Schwartzwälder en dessert. Les discussions vives et légères allaient bon train, si bien que l'apéro fut ponctué d'éclats de rires et de radieux sourires.
En levant mon verre pour trinquer, j'ai souri, m'efforçant de camoufler mon blues. Ma maman souffre en effet d'un cancer du sein et elle prend des médicaments pour tenter de guérir cette saloperie. En juillet, si le mal est toujours là, elle sera opérée. Elle n'en dit pas trop ; elle a toujours été comme ça, silencieuse et digne, comme si elle ne voulait pas gêner. C'est dans son tempérament d'encaisser sans se plaindre. Alors elle cache son angoisse derrière des sourires et on fait de même. La voir aussi amaigrie, aussi affaiblie m'emplit de peine et Thaly qui avec sa p*tain de leucodystrophie sait ce qu'est la maladie est également attristée. Maman continue pourtant de s'habiller de couleurs vives, histoire de mettre du soleil dans son existence. Elle a mangé juste ce qu'il fallait, a apprécié le dessert puis s'est excusée d'aller s'allonger sur le canapé. La chimio douce qu'elle subit est pareille à tous les médicaments : bonne contre le mal sournois mais écrasante comme une chape de plomb. Quand nous eûmes terminé la vaisselle, on a laissé ma Muti (comme je l'appelle) se reposer. Elle a serré Thaly très fort contre elle en lui faisant la bise, comme pour la remercier d'avoir été aux p'tits soins pour elle. J'ai ensuite posé des bisous sur ses joues creusées par le Mal et nous sommes partis sous un beau soleil, un soleil qui, l'espace de quelques heures, aura aussi régné à table avec de bons mots et des rires.